Le blog d'Arta Seiti

De la Serbie, de sa volonté de dialogue et de son désir d'adhésion à l'UE

A en croire certains commentaires hâtifs, la Serbie s'apprêterait à reculer à la suite des prises de positions de personnalités de l'UE ou de dirigeants politiques allemands tendant à conditionner l'ouverture des négociations en vue de l'adhésion de la Serbie à la reconnaissance de l'indépendance du Kosovo. L'adhésion à l'UE deviendrait en quelque sorte la clé de voûte de la stratégie serbe.

Si la possibilité d'un référendum semble pour l'heure écartée ou différée par les autorités serbes, il serait imprudent d'en conclure à une complète volte-face de la Serbie.

Bien-sûr, la coalition au pouvoir se trouve face à une contradiction majeure. Elle a fait sienne durant la campagne électorale la perspective de l'entrée dans l'UE sans pour autant se résoudre à accepter l'indépendance du Kosovo comme telle.

Elle est en outre fragilisée par une situation économique et sociale qui s'est considérablement dégradée et qui la met en porte à faux à l'égard des exigences du FMI comme de l'UE.

Il sera à cet égard intéressant de prendre connaissance du rapport de la commission sur le volet économique et de ses recommandations pour mettre la Serbie à niveau.

Dans ce contexte, les autorités serbes multiplient des déclarations dans la perspective de l'Assemblée générale de l'ONU et de la visite prochaine de Mme Clinton, annoncée dans presse serbe.

Un plan serait même proposé pour accréditer la volonté de dialogue affiché par la Serbie.

Mais ce dialogue paraît bien virtuel tant que l'autre, en l'espèce le Kosovo n'est pas reconnu pleinement dans son altérité faute de lui reconnaître un statut distinct en tant qu'état indépendant.

Il semble qu'il faille lire cette séquence où la Serbie déploie une vraie stratégie de communication comme une manière de jouer la montre. Elle entend convaincre de sa bonne foi, de son désir d'entrée dans l'UE sans pourtant prendre le risque de réviser sa constitution, condition indispensable pour donner un fondement juridique contraignant au dialogue par ailleurs invoqué.

Il faut donc rester prudent dans l'analyse.

Jusqu'où en effet les autorités serbes peuvent-elles aller dans le compromis dès lors que la reconnaissance semble demeurer un point intransgressible?

La coalition nouvellement en place devra se débattre avec cet ensemble de réalités. Si l'histoire n'est pas écrite, convenons que l'analyse doit prendre en compte l'ensemble des données susceptibles d'infléchir les choix de la Serbie. Elle doit aussi prendre en compte les difficultés de l'UE et de la zone euro ainsi que les évolutions et inflexions de la position allemande dans le contexte de la crise de la zone euro.

Référendum ou pas, la marge de manoeuvre des autorités serbes est mince. Accepter de reconnaître le Kosovo même si cette question n'a plus la même charge que dans un passé récent constituerait une reculade difficile à assumer politiquement, même au nom de l'adhésion!

C'est la raison pour laquelle les dirigeants serbes organisent une séquence rhétorique où il n'est question que de dialogue et de désir d'adhésion à l'UE. Contradictoirement, certains évoquent aussi la partition dont il est difficile d'imaginer qu'elle pourrait susciter une volonté de dialogue côté kosovare et même de la part de Bruxelles. Mais derrière ces incantations la réalité semble plus complexe.

L'hypothèse d'un enlisement qui conduirait à un gel de l'adhésion même si elle semble contredite par cet activisme rhétorique et n'est qu'une hypothèse parmi d'autres, nous paraît loin d'être improbable.

Il en résulterait à l'évidence une crise de gouvernabilité de la Serbie sauf si la coalition actuelle s'employait à démontrer qu'elle a créé toutes les conditions pour concrétiser cette volonté de l’adhésion à l'exception de la reconnaissance du Kosovo et que la responsabilité de l'échec, in fine, en serait imputable à la rigidité de l'UE à son endroit.

Une affaire à suivre avec la plus grande prudence interprétative donc.

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