Le blog d'Arta Seiti
17 Juillet 2015
L’accord conclu au petit matin du 13 juillet ressemble à ces aveux extorqués au terme d’une garde à vue prolongée, où le prévenu exsangue finit par céder aux injonctions en rafale, pour allumer une cigarette et s’accorder quelques heures de sommeil.
Il serait pour le moins incongru de faire passer cette séance de sévices avec la consécration d’un idéal européen prétendument soucieux de pacifier les relations entre les peuples du continent au nom d’un idéal généreux d’humanisme et de solidarité !
Tout au contraire, la date du 13 juillet marque un de ces tournants obscurs de l’histoire, où un système oligarchique a dévoyé l’idée européenne pour justifier son autoritarisme aveugle et briser toute aspiration des peuples à préserver leur souveraineté.
Si le moment n’était pas tragique, les déclarations triomphales des dirigeants de la zone euro exaltant cette belle démonstration de l’unité préservée auraient de quoi faire sourire.
Qui pourrait confondre, surtout après le bel espoir suscité par le référendum, la cigüe administrée de force au Premier ministre grec avec un philtre d’amour ?
On songe plutôt à Daladier au retour des accords de Munich, convaincu d’avoir préservé la paix. Léon Blum eût pu conclure à la lecture surréaliste « éléments de langage » des décideurs européens à ce « lâche soulagement », prélude aux défaites annoncées.
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Hélas, le projet d’une Europe européenne soucieuse de l’indépendance des peuples et d’une coopération entre nations égales en droits et en devoirs a été remisé au nom d’une conception destructrice de la monnaie unique.
En ôtant de son jeu la seule arme efficace dans ce conflit asymétrique, l’option d’une sortie volontaire de l’euro, Tsipras s’est livré tête baissée à la rage vengeresse de ses interlocuteurs impitoyables, bien décidés à lui faire payer le prix de son effronterie.
Exit dès lors le résultat du référendum où le peuple grec semblait recouvrer avec fierté son indépendance et sa souveraineté nationale. L’hubris des créanciers assoiffés de puissance a eu tôt fait d’en balayer les effluves.
Avis aux récalcitrants italiens, espagnols qui auraient pu se laisser contaminer par cet appel d’air hellène.
Faute d’avoir envisagé d’en sortir à l’amiable, à l’instar d’une déclaration récente de Varoufakis affirmant que cette option a été récusée lors d’un arbitrage interne de l’exécutif grec, Tsipras demeurera au sein de la zone euro aux pires conditions et sans qu’aucun des problèmes économiques structurels n’eussent été réglés, à commencer par la dette puisque l’Allemagne n’entend pas envisager une restructuration même partielle, contre toutes les lois du bon sens.
L’humiliation le dispute donc à la défaite.
Le prix à payer pour le peuple grec est énorme. Le résultat des élections qui avaient porté Syriza au pouvoir pour abolir celui de la Troïka est piétiné. La cohésion interne de Syriza est remise en cause. La majorité parlementaire est fissurée. Le verdict du référendum est piétiné, puisque le prétendu accord extorqué aux autorités grecques en est l’exacte antithèse.
L’obligation faite au gouvernement grec de faire valider les mesures confiscatoires des actifs grecs et la mise sous tutelle par la Troïka et d’entériner un programme d’austérité qui alourdira la dette s’apparente à une ingérence des institutions européennes, au mépris de la souveraineté d’un Etat membre de l’Union européenne.
L’équation Syriza telle que nous l’avions connue jusqu’au 13 juillet 2015, tant redoutée par les dirigeants européens est désormais neutralisée.
Encore, faudrait-il avoir le courage politique d’imposer un débat rationnel sur la zone euro. Encore faudrait-il un sursaut de lucidité au sein des élites politiques.
La persévérance dans une voie destructrice pour l’emploi, pour la croissance et attentatoire aux principes de la souveraineté démocratique pourrait conduire à mettre en péril l’idée européenne elle-même.
Elle peut demain plonger la Grèce dans un chaos périlleux pour le maintien de la paix civile.
A confondre la monnaie unique avec un projet européen réaliste, les décideurs politiques pourraient, s’ils ne se ravisent, engendrer une terrible régression.